#110 Il vaut mieux s'occuper du changement avant qu'il s'occupe de vous !

L’armée de robots d’Elon Musk et l’idée fixe du contrôle / La tentation de l’entreprise Etat /2050-11-11 AMAZON LAND - Quartier JEFF 12 - Ilot 42 - Logement B2345 / Universal et la start up Udio vont créer un concurrent de Suno / Les Gazelles d’Essaouira

Métamorphoses
15 min ⋅ 11/11/2025

Bonjour à toutes et tous,

Dans cette newsletter, vous trouverez les articles suivants :

  • L’armée de robots d’Elon Musk et l’idée fixe du contrôle

  • La tentation de l’entreprise Etat

  • 2050-11-11 AMAZON LAND / Quartier JEFF 12 / Ilot 42 / Logement B2345Bonne lecture.

  • Universal et la start up Udio vont créer un concurrent de Suno

  • Les Gazelles d’Essaouira

Stéphane


L’armée de robots d’Elon Musk et l’idée fixe du contrôle

Discussion audio sur la base de cet article réalisée avec NotebookLM

Il a lâché la formule “Une armée de robots” sans sourciller et il veut une forte influence dessus. Cela a été dit pendant un appel à des investisseurs. Posé comme une évidence. le temps des voitures électriques ou d’usines propres est révolu. Il s’agit de passer à un projet politique masqué en feuille de route industrielle. Tesla Optimus se transforme en colonne vertébrale d’un récit où le matériel obéit et l’humain s’adapte. Les mots sont importants. Surtout quand ils sortent de la bouche de l’homme le plus riche du monde. Les faits aussi. L’ambition se double d’un paquet d’objectifs délirants et d’une rémunération à mille milliards pour garder la main. Cette volonté de mainmise sur la future mécanique sociale annonce une bataille pour le pouvoir au sens nu. La scène est presque comique si l’on oublie qu’elle prépare le décor au moins des quinze prochaines années. Il demande l’assurance d’avoir un levier solide sur ce bataillon d’androïdes. Les commentateurs se moquent. Certain titre sur un parfum de super vilain sorti d’un film. Mais l’ironie n’annule pas l’intention. Une armée suppose une chaîne de commandement et suppose l’idée ancienne de souveraineté. Qui donne les ordres ? Qui possède les clés de désactivation ? Qui décide dans l’ombre quand les flux logistiques se bloquent et quand les entrepôts se vident ? Là est l’enjeu. Le reste n’est que du vernis marketing.

Le 6 novembre 2025, les actionnaires de Tesla, Inc. ont approuvé un plan de rémunération pour Elon Musk pouvant atteindre 1 000 milliards $, à condition de remplir une série de jalons colossaux (valorisation, livraisons, robots, etc.). Or, cette décision soulève une profonde question de rationalité : la valeur actuelle de Tesla repose de façon disproportionnée sur la croyance en Musk plutôt que sur des fondamentaux tangibles. Le marché valorise non seulement les ventes de voitures, mais un futur probable (bot humanoïdes, robotaxis, IA embarquée) pour lequel il n’existe encore que peu de preuves concrètes et surtout avec des concurrents très en avance ! En parallèle, on peut interpréter cette énorme rémunération comme une stratégie défensive de la part des actionnaires. En le verrouillant par un tel pacte, et donc en le dissuadant de détourner son attention vers xAI ou d’autres projets, ils cherchent à préserver leur investissement dans Tesla. Le message est clair : « Reste concentré ici, sinon tu ne toucheras rien. » En vérité, ce package colossal fonctionne comme un pari sur un avenir alternatif. Un pari qui mise moins sur les résultats actuels que sur la foi en ce que Musk pourrait devenir ce qui rend la valorisation de Tesla presque davantage un exercice de psychologie collective qu’un reflet de performance économique.

De Rome à Palo Alto la tentation de l’ingénierie sociale

Rome n’a pas conquis le monde avec des slogans. Elle l’a tenu grâce à des infrastructures : routes, aqueducs, légions, ... Elon Musk parle comme un consul pressé. Il construit ses voies rapides numériques. Il fabrique ses cohortes de silicium. Optimus devient un légionnaire standardisé. Recharge à l’heure. Formation par imitation comme un jeune recrue qui apprend les gestes auprès d’un vétéran. On a déjà vu ces robots exécuter des tâches simples. On leur promet une polyvalence digne d’un esclave affranchi. Le futur désiré ressemble à un empire de bras inlassables surveillés par une poignée de stratèges sur un tableau de bord. Le rubicon une dépendance industrielle dans cette vision et non plus une rivière dans.

Star Wars vient immédiatement à l’esprit pour une autre raison. L’empire adore les clones et les droïdes mais la République s’y perd. À force d’externaliser la force physique et la vigilance à des unités fabriquées en série, on finit par déléguer la responsabilité morale. Qui blâme un droïde de sécurité quand il suit le protocole ? Qui juge un algorithme de tri quand il applique la politique interne ? L’illusion d’une neutralité technique blanchit les décisions humaines. Les Jedi se méfient. Nous pas assez.

Obsolescence humaine version Elon Musk

Elon Musk répète que la plupart des emplois vont disparaître. Il en tire la conclusion que le travail deviendra optionnel. On vivra pour le plaisir. On distribuera peut-être un revenu universel afin d’amortir la chute. Le récit sent la philanthropie futuriste. Il oublie la mécanique intime du statut. Le travail ne donne pas seulement un salaire. Il fabrique un cadre social, met des limites et crée des récits personnels. Quand on retire ce socle, on n’obtient plus une angoisse qu’une plage ensoleillée. Une société ne tient pas avec des hobbies et des tokens. Elle tient avec des rites et des obligations. Quand Elon Musk explique la fin des métiers, il ne parle que de productivité et non de dignité. Et pourtant la digue craque toujours par ce côté-là.

Dans le monde réel le chantier s’éternise. Les promesses de cadence pour Optimus se heurtent à la complexité du corps humain. Les mains d’abord. Les poignets ensuite. Les usines ne crachent pas encore des milliers de robots par mois. On en fabrique des centaines. On publie des vidéos très léchées. On annonce la production de masse plus tard, encore plus tard, toujours plus tard. Le temps industriel n’obéit pas aux fils de discussion sur X. Il résiste. Et c’est heureux. Cela nous laisse une fenêtre pour décider à quelle condition on veut de cette fameuse armée.

Grokpedia comme ministère de la Vérité privé

Pendant que les bras en carbone apprennent à saisir une boîte, xAI lance un autre chantier. Grokpedia. Une encyclopédie que son auteur présente comme plus vraie plus directe plus clean que l’autre à savoir Wikipedia. Le projet a débarqué avec un stock d’articles impressionnant. Il a été accusé de copier des contenus de Wikipédia et d’afficher une teinte idéologique marquée (sans surprise). Ici la bataille porte sur le sens. Contrôler la main d’œuvre robotique et en parallèle contrôler le réservoir de connaissances qui forme l’opinion. Le duo a une logique limpide. Les machines exécutent. Les humains lisent. Et si l’on peut influencer ce que lisent puis pensent les humains pendant que les machines prennent le relais, le pouvoir se ferme comme une mâchoire.

Testons un scénario simple. On imagine un lycée de province. Les professeurs recommandent des sources fiables. L’élève ouvre Grokpedia parce que l’interface est rapide et que son téléphone adore l’écosystème X. La fiche sur un événement politique récent minore un rôle. La fiche sur une figure controversée gomme un détail. Une poussière sur une lentille. Dix ans plus tard cette poussière devient une mauvaise carte. Les cartes orientent les infrastructures. Et les infrastructures gouvernent les vies.

Les conséquences sociales que l’on refuse de regarder

Première fissure. La dépendance technologique renforce la centralisation. L’argument d’efficacité fait mouche. Une flotte d’Optimus réduit les coûts d’un centre logistique. Les effectifs baissent. Les municipalités négocient des exemptions fiscales pour garder l’entrepôt. Elles deviennent tributaires d’un décideur externe. On connaît le film pour les usines automobiles. On s’apprête à le rejouer pour la manutention et le service à la personne. Sauf que cette fois la rotation des tâches permet une substitution plus large. Le boulanger du coin ne ferme pas demain. Mais la chaîne de boulangerie standardisée aura moins d’apprentis et plus de bras synthétiques à l’aube.

Deuxième fissure. La mesure de la valeur se déplace. L’éthique du travail cède la place à l’esthétique du projet. On applaudit le hack élégant. On se lasse du soin. Or une société stable repose sur du soin invisible. Nettoyer un couloir d’hôpital. Gérer la médiation d’un conflit dans une école. Installer un compteur électrique chez un retraité méfiant. Ces choses n’aiment pas la standardisation. L’armée de robots excelle sur les tâches fermées. Elle trébuche dès que l’humain déborde du cadre. Pourtant la pression comptable impose l’outil même là où il performe mal. Les employés restants passent plus de temps à corriger la machine qu’à exercer leur métier. Cela use. Cela démoralise.

Troisième fissure. La souveraineté se privatise. Rome avait un sénat parfois décoratif. Elon Musk a une assemblée d’actionnaires. Quand il lie un package extraordinaire à des jalons industriels et robotiques, il place la politique au cœur du capital. Il n’offre pas un service. Il propose un pacte social à prendre ou à laisser. Si l’on accepte, on épouse une vision du monde avec ses biais, ses priorités et ses angles morts. On gagne de la productivité mesurée. On perd de la pluralité vécue.

Illustration : prenons une ville portuaire de taille moyenne. Le flux de conteneurs augmente. On déploie des Optimus pour la manutention de nuit. Les cafés qui servaient les équipes de nuit ferment trois jours sur sept. Le club de foot amateur perd ses sponsors parce que les salariés partis en horaires décalés n’achètent plus les billets de tombola. L’école technique locale perd son atelier de mécanique de précision. On assiste à un appauvrissement diffus comme une marée basse qui dure. Et personne ne décide de cette marée à part un comité d’investissement très loin.

Le miroir romain et la fable galactique

Rome a fini par déléguer la défense des frontières à des fédérés car moins chers et plus simples. Cela a tenu jusqu’au jour où la loyauté s’est fendue. Une armée de robots pose une question semblable. À qui obéit elle dans une situation d’exception ? Panne large du réseau. Tension politique. Grève humaine. On coupe l’API ou pas. On priorise les entrepôts de tel client ou ceux d’un hôpital ? Une république digne de ce nom règle ces arbitrages dans le droit et non dans un tableur ou un fil privé d’un réseau social. Dans Star Wars la République glisse sans bruit vers l’Empire par amour de l’ordre. Les clones offrent une solution pratique. On signe pour mieux dormir puis on se réveille plus tard avec un chancelier à vie. Je force le trait, je sais. Pourtant la pente existe. Chaque pas paraît raisonnable tant qu’on ne voit pas la falaise.

Où placer la ligne rouge

Je n’ai aucune aversion instinctive pour les robots. J’adore la mécanique. J’admire les ingénieurs qui apprennent à une machine à saisir un pruneau sans l’écraser. Le problème est institutionnel et non technique. Nous manquons de contre-pouvoirs face à des acteurs qui veulent et peuvent accéder à la puissance matérielle et narrative. Optimus d’un côté. Grokpedia de l’autre. Le tout relié à X comme colonne d’air. Cette intégration donne un avantage redoutable à qui la pilote. Et quand ce pilote réclame un verrou de contrôle pour se sentir à l’aise, il faut arrêter immédiatement de sourire. Il faut demander qui décide en cas de conflit avec l’intérêt général.

Que faire alors ? Commencer par des règles simples : séparer la gouvernance des robots employés dans des infrastructures critiques de la gouvernance de l’entreprise qui les fabrique, exiger des boîtiers noirs indépendants, des journaux d’événements lisibles par les régulateurs et par des associations, interdire les mises à jour silencieuses pour les unités affectées à des services publics, imposer des clauses de responsabilité qui ne se cachent pas derrière un protocole. Au passage, cela ne freine absolument pas l’innovation mais donne un cadre en fixant un coût aux externalités. Ensuite il faut ouvrir des lieux d’enquête citoyenne sur les plateformes de savoir automatisées. Grokpedia ne devrait pas avoir peur d’audits réguliers. Si le projet veut vraiment corriger les biais, il n’a qu’à accepter la lumière et clarifier ses sources, ses mécanismes d’édition, ...

L’armée de robots d’Elon Musk n’est pas encore au portail. Cela nous donne une chance rare à savoir l’opportunité de rédiger les règles avant l’empire des machines banales et refuser l’idée que l’humain devienne un périphérique obsolète. La technique peut nous libérer ou nous tasser comme de la terre sous une autoroute. Tout se joue dans la distribution du pouvoir. Si le futur ressemble à Rome, autant choisir la République et pas le cirque, ni les légions privées et ni le glossaire qui réécrit l’histoire à la volée. N’attendons pas qu’Elon Musk change d’avis. Changeons nous tous d’attitude. Qu’on exige des garde fous. Qu’on protège le travail comme lien et pas seulement comme coût. Qu’on traite le savoir comme un bien commun et pas un simple produit d’appel. Sinon nous nous réveillerons dans un monde très efficace et très pauvre. Une Rome sans Sénat. Une galaxie sans rébellion.


La tentation de l’entreprise Etat

Discussion audio sur la base de cet article réalisée avec NotebookLM

Les grandes entreprises, surtout celles de la tech, montent leurs académies, financent leurs cursus, certifient des compétences qui mènent … chez elles. La boucle est parfaite pour leurs besoins. Elle l’est beaucoup moins pour l’universel.

Commençons par rappeler le périmètre que l’État ne devrait pas céder. Les fonctions régaliennes rassemblent la sécurité intérieure, la justice, la défense et la diplomatie. Dans une acception élargie s’ajoutent la monnaie et la fiscalité qui sont des prolongements de la souveraineté. Autrement dit, l’ordre, le droit, la sécurité extérieure, la représentation internationale, l’émission de monnaie et le prélèvement de l’impôt. Ces cœurs battants ne se délèguent pas sans risque de dépendance politique. Or les GAMAM (Google, Amazon, Meta, Apple, Microsoft + l’emprire d’Elon Musk et bientôt OpenAI) avancent leurs pions dans des zones qui ressemblent furieusement à des prérogatives d’État. Prenons l’éducation. Apple a institutionnalisé sa Developer Academy à Naples avec l’université Federico II, un dispositif qui forme directement à l’écosystème iOS et propulse des cohortes d’apprenants vers l’économie des apps. Une université d’entreprise, assumée. Microsoft multiplie des programmes massifs de formation à l’IA, depuis les Bootcamps pour enseignants jusqu’à des engagements publics en France avec une promesse d’un million de personnes formées d’ici 2027. L’école prend ici la forme d’un pipeline vers des plateformes propriétaires. Google, de son côté, déploie des « Career Certificates » et un consortium d’employeurs en France pour labelliser puis placer les certifiés. Curriculum, certification, débouchés. La chaîne complète.

Certes, former n’est pas gouverner. Pour autant, l’asymétrie s’installe quand une entreprise définit les standards pédagogiques, mesure les compétences et oriente l’insertion. Le risque n’est pas la fermeture de l’université publique du jour au lendemain. Le risque tient à l’effet de cliquet. Chaque promotion qui sort d’une académie privée renforce l’illusion que l’employabilité se résume à « parler » la grammaire d’une plateforme. Ce mouvement ne tombe pas du ciel. Il prospère parce que l’université publique peine à tenir le rythme de la mutation technologique. Les entreprises comblent le vide, souvent de bonne foi, parfois évidemment par intérêt. Amazon finance des programmes d’upskilling, prend en charge les frais de scolarité de salariés et étend encore son « Career Choice » en Europe en 2025. Beau geste. Belle dépendance, aussi, car les contenus, les référentiels et les trajectoires restent orientés par l’employeur.

Plaidons pour un pacte clair. L’université garde la mission d’universalité. Elle enseigne des fondations transférables, l’esprit critique, le droit, l’économie politique du numérique, l’éthique de l’IA, ... Les entreprises proposent des spécialisations, publient leurs contenus sous licences ouvertes, cofinancent des chaires indépendantes et acceptent un audit public de leurs académies. C’est la condition pour que la formation reste un bien commun et non une filière captive. En pratique, cela suppose trois décisions simples. Un, différencier nettement ce qui relève du tronc commun républicain et ce qui relève du « vendor training ». Deux, exiger l’interopérabilité pédagogique. Aucun certificat privé ne devrait valoir sésame sans alignement sur des standards publics. Trois, rééquilibrer les pouvoirs. Quand Microsoft annonce des milliards d’investissements et un million de personnes formées en France, l’État doit négocier des contreparties solides en matière d’ouverture, de recherche et d’accès des PME. Sinon, la souveraineté se narre en conférence de presse et s’évapore dans les contrats cloud.

Nous ne sommes pas condamnés à choisir entre la vieille tour d’ivoire et l’école de marque. Il est urgent de réaffirmer le rôle de l’université comme espace d’émancipation et de débat, puis de bâtir des passerelles vers les académies privées sans que la pente favorise l’entreprise. L’universel demande du courage. L’employabilité demande des preuves. Réconcilions les deux, avant que la carte d’étudiant ne devienne un badge d’accès à une plateforme.

Rapide retour sur quelques attaques de la souveraineté des Etats :

L’identité : Apple et d’autres testent l’intégration de pièces d’identité officielles dans le Wallet iPhone. La fonction est déployée dans plusieurs États américains dont la Californie et s’étend à d’autres juridictions. Qui tient l’interface d’identité tient une partie de la citoyenneté pratique ? A ce sujet, Sam Altman (CEO de OpenAI) veut mettre en place un certificateur de votre singularité humaine. Autrement dit, un identifiant unique et planétaire fourni par une entreprise privée … Meta en rêve.

La santé publique : pendant la pandémie, l’architecture de traçage de contacts Apple Google s’est imposée comme standard technique pour des dizaines de pays. Le cadre était volontaire et conçu avec des garde-fous de vie privée. Il n’empêche. Un choix technique privé a conditionné les politiques sanitaires numériques. C’est un précédent.

L’infrastructure critique : Amazon Web Services héberge des systèmes publics sensibles. Le fameux contrat cloud de la CIA a ouvert la voie suivi d’accords plus larges avec les agences de renseignement américaines. En Europe, la réponse passe par des montages « cloud de confiance » adossés à Microsoft pour servir administrations et opérateurs cruciaux sans fuite de souveraineté juridique. Le détail importe peu pour le citoyen. L’impression d’ensemble demeure celle d’un État branché sur la prise des hyperscalers.

La monnaie et le paiement : Meta a tenté Libra puis Diem. Échec, mais le signal reste limpide. Les plateformes rêvent d’une monnaie maison ou, à défaut, d’un péage sur chaque transaction. Apple Pay et équivalents jouent déjà ce rôle de couche d’abstraction sur nos paiements du quotidien. Aujourd’hui, les banques coopèrent. Demain, qui sait.


2050-11-11 AMAZON LAND / Quartier JEFF 12 / Ilot 42 / Logement B2345

Dune a vingt-cinq ans et un badge bleu qui ouvre toutes les portes. Max en a vingt-sept et le même sourire neutre sur la photo du profil. Ils vivent dans Amazon Land depuis leurs huit ans. Leurs parents avaient choisi la sécurité : droit à un logement propre, trois repas calibrés, des vêtements qui ne se déchirent pas et un voisinage sans cris. On signe, on respire et on s’endort tranquille.

Le matin commence par la lumière tiède du plafond et la voix d’Alexa 27. Dune avale sa pâte protéinée goût mangue. Max préfère cacao. Ils saluent la caméra. La journée peut démarrer. Ils marchent vers l’atelier logistique qui est une nef blanche qui pulse comme un estomac rassasié. Les convoyeurs sortent des murs. Les robots glissent. Les humains veillent aux ajustements. Dune règle la cadence des bras articulés avec de petits gestes du poignet. Max vérifie le rythme des drones de quai. Rien d’héroïque. Tout tient dans le millième. On se prend au jeu. On applaudit quand la jauge verte dépasse la cible. C’est l’idée générale. On vit au pas de la jauge.

A midi Dune raconte à Max une image qui l’a troublée. Un vieux frigo dans une cour avec un chat dessus qui fixe l’horizon sans rien autour. Max rit. Le système pousse parfois des images nostalgiques pour maintenir l’adhésion. Une pincée de mélancolie et on revient au boulot avec le cœur plus docile. Dune hausse les épaules, elle sait et retourne au scanner.

L’après-midi glisse sans accroc. Les micro-drones livrent des sourires en plastique aux écoles du quartier. Un jeu éducatif sur les cycles du flux. Les enfants apprennent à compter avec des caisses miniatures. On dit à voix claire mission accomplie et la gratification tombe : crédits pour le week-end, places pour la bulle sensorielle ou un accès à la salle de pluie chaude. On se sent récompensé et rien ne manque.

La nuit constitue la vraie affaire. Une fois couchés Dune et Max deviennent des serveurs à ciel fermé. Les puces posées derrière l’oreille scannent les rêves et captent les calculs issus des phases de sommeil profond. Le cerveau se branche sur le cloud. On traite des images d’entrepôts en Afrique. On prédît la demande de couches en Argentine. On compresse de la vidéo familiale pour libérer de la place. Au réveil, une petite chaleur dans la nuque. Une pensée traverse. Nous avons aidé. On sourit à la caméra comme toujours.

L’Etat entreprise tient parole. Les besoins primaires restent couverts. Personne ne craint la panne d’électricité, l’eau coule, le médecin passe en téléconsultation, ... Les dents de Max brillent depuis le programme “Sourire pour tous”. Dune a eu une réparation gratuite pour sa rotule. Une chanson surgit dans son casque pendant qu’elle pense à ses genoux. Tout s’enchaîne sans friction visible. Et pourtant une autre vérité insiste au fond de la gorge. La saturation cognitive. Chaque minute remplit l’écran. Les trajets affichent des quiz sur l’histoire de la livraison. Les cantines proposent des séries comiques écrites par la machine qui imite les meilleures blagues des clients. Les toilettes diffusent des haïkus sur la logistique durable. Les bulles sensorielles pressent les tempes avec des vagues de lumière jusqu’au sommeil. L’ennui ne trouve jamais de chaise. Pas d’espace pour un faux pas et surtout pas d’ombre pour un doute.

Un soir Dune pense au frigo et au chat. Elle se confie à Max. Il répond doucement : peut être que le chat guettait un carton. Dune rit malgré elle. La blague plaît au système. Une étoile de plus s’affiche sur leur tableau d’honneur. Le lendemain la jauge verte monte. La vie continue. Le chat disparaît de sa mémoire. Le badge bleu ouvre toutes les portes. Aucune ne mène dehors.


Universal et la start up Udio vont créer un concurrent de Suno

Discussion audio sur la base de cet article réalisée avec NotebookLM

La musique n’a jamais été aussi simple à fabriquer et jamais aussi difficile à reconnaître. On nous promet l’abondance. On sent l’imitation dans le souffle. L’alliance entre Universal et la start up Udio ouvre grand la porte du studio. Tout le monde entre. Tout le monde compose. Tout le monde peut publier. Le risque grimpe dans le même mouvement. Qui parle ? Qui emprunte ? Qui pille ? Qui gagne ? Il faut une boussole plus fine que pour ou contre.

Pour rappel, le leader est aujourd’hui Suno. Xania Monet une chanteuse artificielle générée par cette plateforme vient de signer un contrat de 3 millions de dollars pour être représentée par un producteur … Evidemment, c’est son créateur bien humain qui a cet argent sur son compte

Universal apporte la mémoire enregistrée du siècle. Udio arrive avec des modèles rapides et malléables. Ensemble ils lancent une plateforme de création musicale par IA. On y tape quelques mots. On ajuste deux ou trois paramètres. On reçoit des titres prêts à jouer sur n’importe quelle scène virtuelle. À première vue c’est une machine à idées. En réalité c’est un changement de règles du jeu. L’industrie cherche de nouveaux formats. Les auditeurs réclament de la fraîcheur tandis que les artistes demandent du respect. Jusqu’ici, la technologie tenait l’affiche sans s’occuper du dernier point. Ce lancement doit corriger le tir et pas seulement déployer une énième vitrine brillante.

Deux personnes pour deux histoires. Un beatmaker à Lille qui rêvait d’un tube autoproduit. Il programme ses intentions dans l’outil. Il superpose ses lignes de basse. Il sort six morceaux en une nuit et décroche des dates dans des salles où son nom n’entrait jamais. Et puis une choriste de studio à Paris qui voit trois sessions annulées ce mois ci. Le client préfère une voix synthétique paramétrée sur une texture soul. Même gamme mais beaucoup moins chère. Deux destins opposés. L’innovation n’a de sens que si elle protège la relation entre créateurs et public. Sans ce garde corps, on remplace des vies par des flux.

La question qui fâche arrive tout de suite. Qui a nourri la machine ? Les modèles apprennent avec des œuvres : des timbres, des tics d’écriture, des cadences que l’on reconnaît à la première mesure. Qui décide du droit à être échantillonné? Proposons une règle simple et dure. Pas de contenu protégé dans l’entraînement sans licence claire. Mieux encore, un registre de consentement opposable où chaque interprète et chaque compositeur déclare ses choix. Oui pour tel usage. Non pour tel autre. Cette granularité demande du sérieux technique. Elle forge la confiance. À défaut, la plateforme ressemble à un réservoir d’empreintes prélevées dans le dos des artistes. On ne bâtit pas un nouvel âge créatif sur un malentendu.

Vient la question de la valeur. Les droits voisins doivent évoluer. On ne peut pas se contenter d’un réflexe de retrait. Il faut une répartition dynamique des revenus selon l’empreinte stylistique détectée. Prenons un exemple précis. Un morceau généré reprend des inflexions vocales identifiables d’une chanteuse à hauteur de douze pour cent. Le flux économique suit ce pourcentage avec un seuil et un plancher pour éviter les effets d’aubaine. On ne punit pas l’expérimentation, l’idée est de payer la filiation. Les mathématiques deviennent une éthique appliquée. L’algorithme cesse de se cacher. Il s’explique er surtout il reverse. La traçabilité constitue l’autre pilier. Chaque fichier doit porter un fil d’Ariane lisible de l’atelier à l’écoute. “Watermarking” par défaut. L’auditeur gagne un droit à savoir. La valeur cesse de se dissoudre dans la confusion. Cette clarté n’enlève rien à la magie. Elle écarte juste la tromperie.

Reste la qualité culturelle. La moyenne générale produit une soupe tiède. La plateforme doit assumer une responsabilité éditoriale. Diversité des esthétiques, visibilisation des marges, mise en avant d’exemples musicaux instruits par des patrimoines sous représentés avec des accords locaux et des retours financiers traçables. J’aimerais voir un modèle entraîné sur des archives de biguine en Martinique avec les familles détentrices des bandes au centre du projet. J’aimerais une série de commandes pour des collectifs noise en Slovénie. L’objectif est d’étirer l’imaginaire car, sans cela, tout sonne comme un générique de chaîne thématique.

Cette expansion doit regarder l’énergie consommée donc réclamons un indicateur public de consommation par projet ainsi qu’un engagement de sobriété sur l’infrastructure. Les studios maîtrisent leurs décibels. Les plateformes peuvent maîtriser leurs watts. L’art n’a pas besoin d’un coût caché prélèvement après prélèvement sur l’océan. Montrons les chiffres. Donnons aux équipes l’objectif de réduction. Le public saura juger. Le marché suivra.

Universal possède un trésor. Un catalogue qu’on fredonne en famille et qu’on sample en club. Sa responsabilité dépasse la simple chasse aux copies. Il faut ouvrir des fenêtres de co création sous licence. On peut imaginer des sessions officielles autour de Gainsbourg avec supervision des ayants droit et partage automatique des revenus. Les morceaux générés seront autorisés. Les partis pris artistiques seront cadrés. Le résultat portera un sceau reconnaissable. On encadre au lieu d’interdire. C’est là que l’industrie redevient partenaire de création et pas seulement gardienne d’un coffre. L’éducation du public représente l’autre face du chantier avec des ateliers en ligne, des masterclass itinérantes dans des écoles de musique et des bibliothèques, montrer ce qu’un prompt change à un mix, expliquer la citation loyale et démontrer la chaîne de valeur. Les auditeurs ne sont pas des enfants. L’IA n’infantilise pas l’oreille. Elle l’exerce. Un public éclairé alimente des communautés mieux outillées pour débattre et pour choisir.

La technologie n’attend personne. Elle avance quoi qu’il arrive. Universal et Udio peuvent montrer la voie vertueuse avec une musique plus juste. La responsabilité revient au centre de la création. On ne demande pas la lune. On réclame la preuve que la puissance de calcul sait encore écouter. L’abondance ne vaut rien si elle tourne le dos à ceux qui l’ont rendue possible. À ce prix seulement, l’outil deviendra instrument. Et la promesse prendra enfin le timbre de la vérité.


Je suis très fier de partager une fois par mois des news de Marjorie et Yasmina. Elle forme un équipage du Rallye Aicha de Gazelles. Marjorie partagera cette aventure avec vous.

Les Gazelles d’Essaouira

Je suis Marjorie, je travaille avec Stéphane et pendant les mois qui viennent, je vais vous raconter ma préparation au Rallye Aïcha des Gazelles. J’ai la chance de compter parmi mes premiers sponsors mon ami et client Stéphane Amarsy. Pour vous, Stéphane m’a demandé de raconter chaque mois ma préparation et les coulisses.

Le voyage a commencé bien avant l’entrée symbolique dans le désert. Pour moi, il a débuté en octobre 2024, le jour où j’ai dit oui à l’aventure du Rallye Aïcha des Gazelles qui se déroulera du 27 mars au 11 avril 2026. C’est un rallye en 4x4 sans GPS dans le désert marocain, sans téléphone, où chaque erreur de cap se paie en kilomètres. C’est un défi d’orientation, de confiance et d’humilité, que je vivrai avec ma binôme Yasmina, avec laquelle nous formons l’équipage les Gazelles d’Essaouira. 

Depuis septembre, notre préparation s’intensifie chaque jour :

  • recherche de sponsors,

  • préparation mentale,

  • préparation physique : pilates pour ménager le dos et supporter le casque,

  • conduite et navigation,

  • sophrologie,

  • et pour moi, l'apprentissage du darija, le dialecte marocain. Mon amie et binôme Yasmina est marocaine et parle un français parfait mais c’est important pour moi de comprendre, parler, échanger dans le dialecte. 

C’est une vraie préparation à 360°, où le corps, la tête et le cœur avancent ensemble. Cette préparation est essentielle car je suis déterminée et j’explique ici pourquoi. 

La semaine dernière, je suis partie trois jours pour une immersion dans le désert avec trois amies. J’habite à Essaouira, à douze heures de route aller : c’est loin et proche. Je voulais commencer à lire les dunes comme j’ai appris à lire les vagues en kitesurf : repérer la dune qui va glisser sous nos roues, celle qui va nous offrir un toboggan, celle qu’il faut contourner. 

Nous étions dans un bivouac à Erg Chegaga avec Yahya, gérant et guide né dans le désert. Il connaît chaque dune, comme je connais les rues de Paris. J’ai foulé les dunes avec Yahya, d’abord en marchant puis en buggy. C’était fascinant de voir à quel point son visage s’illumine quand il surfe dans les dunes avec son buggy. 

J’ai posé un florilège de questions. Je lui ai demandé de me montrer concrètement toutes les problématiques rencontrées par les Gazelles : le dévers, le tankage en haut de la dune, en bas, le passage des dunes cassantes. J’ai beaucoup appris et je dois encore apprendre et pratiquer pour ancrer. J’ai commencé à travailler sur mes peurs. La première, c’est le dévers, cette pente latérale qui fait pencher la voiture. Quand tout ton corps te crie de freiner et de descendre, il faut au contraire accélérer à fond pour passer. C’est une épreuve d’équilibre, physique et mentale, un apprentissage de la confiance : en la voiture, en le terrain et surtout en soi. J’ai encore du travail. 

Je voulais aussi percevoir ce que les nomades pensaient de ce rallye. Yahya fait du buggy et du quad. Son message est le suivant : “Ce rallye, j’en vis donc c’est bien, à condition de respecter les pistes. Dans les dunes, le vent efface tout, mais tu ne dois jamais rouler sur un trou car dessous se cachent les animaux des dunes.” 

Tout a été riche d’enseignement et ce voyage me conforte dans mon idée d’une préparation à 360, en ne négligeant aucun aspect, y compris mental. 

Durant ces 3 jours, j’ai coupé mon téléphone en donnant le numéro de l’hôtel qui est lié au bivouac en cas d’urgence et j’ai retrouvé l’essentiel : l’horizon à 360°, le silence, les étoiles filantes, la beauté pure.

Aïcha, de rallye Aïcha des Gazelles signifie force, la vitalité et la sagesse. C’est tout ce dont nous aurons besoin fin mars et les mois qui viennent ne seront pas de trop. 

Je vous retrouve le mois prochain pour la suite des aventures, 

D’ici là, je vous invite à découvrir plus en détail notre binôme, notre engagement et ce pourquoi nous faisons cette course. 

Marjorie pour Les Gazelles d’Essaouira


Bonnes métamorphoses et à la semaine prochaine.

Stéphane

Métamorphoses

Par Stéphane Amarsy

Stéphane est un entrepreneur visionnaire et un pionnier dans l'intersection de l'intelligence artificielle et de la transformation organisationnelle / sociétale. Fondateur de The Next Mind, il est guidé par une philosophie simple, mais percutante : "Mieux vaut s'occuper du changement avant qu'il ne s'occupe de vous !"

Sa trajectoire professionnelle, marquée par la création d'Inbox, devenue plus tard D-AIM en changeant complétement de business model, des levées de fonds, la fusion avec Splio, et l'élaboration du concept disruptif d'Individuation Marketing, sert de fondation solide à sa nouvelle entreprise. The Next Mind est le fruit de décennies d'expérience dans l'accompagnement de plus de 400 entreprises à travers plus de 30 pays dans leur transformation digitale / data / IA et organisationnelle.

Auteur du livre ​​"Mon Directeur Marketing sera un algorithme"​​, qui est une description de la société qu'il a projetée en 2017, auteurs de nombreuses tribunes, conférencier et intervenant dans plusieurs universités et écoles, il ne se contente pas de prêcher la transformation, il l'incarne. Chaque expérience proposée par Stéphane est inspirée entre autres par son vécu d'entrepreneur. Il pousse à affronter les réalités d'un monde en perpétuels changements. Stéphane est convaincu que la prise de conscience n'est que la première étape ; ce qui compte vraiment, c'est la capacité à agir et à s'adapter.

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