#66 Il vaut mieux s'occuper du changement avant qu'il s'occupe de vous !

L’IA au service de l’humanité ? / SocialAI / Retour d’expériences / L'empreinte carbone des requêtes IA / Décodage du rachat d’OctoAI par Nvidia / Le capitalisme est mort, vive le techno-capitalisme ! Et c'est une mauvaise nouvelle / La régulation européenne : barrière à l'innovation ?

Métamorphoses
16 min ⋅ 15/10/2024

L’IA au service de l’humanité ?

Le prix Nobel de physique 2024 a été attribué à John Hopfield et Geoffrey Hinton pour leurs travaux sur l'apprentissage automatique qui ont transformé le domaine de l'IA. L'inquiétude exprimée par Hopfield concernant les progrès rapides de l'IA a marqué les esprits. Il a mis en garde contre la perte potentielle de contrôle et de compréhension de ces technologies en raison de la course effrénée à l'innovation. Ce message doit être compris comme un avertissement : si notre avenir n'est pas inévitablement compromis, il dépend de notre capacité à nous adapter intelligemment et collectivement. L'inquiétude de Hopfield ne porte pas tant sur le potentiel de l'IA que sur notre capacité à garder la maîtrise de la direction que prennent ces outils.

Cet avis fait écho à mes préoccupations.

Nous nous trouvons à un point charnière de l'histoire, où la technologie évolue plus vite que notre capacité à en saisir toutes les implications. Cela signifie que nous devons reconsidérer notre relation avec l'IA, qui est en partie fondée sur une vision simplifiée et uniformisée de la société. Pour ne pas tomber dans le piège de l'homogénéisation, nous devons valoriser la diversité des compétences et des intelligences humaines. C'est dans cette diversité que se trouve notre force, notre capacité à inventer des solutions inédites et à relever les défis posés par ces nouvelles technologies. L'IA, telle qu'elle est aujourd'hui, repose sur des principes d'apprentissage, de normes économiques et de standardisation des comportements, des mécanismes qui ont historiquement structuré nos sociétés. Bien que ces approches soient utiles pour l'optimisation des processus, elles ne tiennent pas compte de la complexité et de la richesse des expériences humaines. Il est donc urgent de reconsidérer positivement la différence humaine face à l'IA et son expansion toujours plus rapide. L'une des clés pour nous adapter à ces changements est de changer notre regard sur la diversité et d'encourager la créativité, l'expression personnelle et la pensée critique. Ces qualités sont essentielles pour que l'humain et l'IA puissent coexister de manière synergique et complémentaire.

Imaginer une IA capable de rivaliser avec l'intelligence humaine, voire de la surpasser, est une idée vertigineuse qui soulève des questions éthiques et pratiques considérables. L'IA ne ralentira pas pour nous, et il est de notre responsabilité d'apprendre à maîtriser ces technologies, d'agir avec clairvoyance et d'acquérir la capacité à conduire ces transformations. Notre rôle ne doit pas se limiter à réagir, mais à guider cette évolution en tenant compte de principes éthiques solides et de valeurs humaines.

Le monde change à une vitesse folle. Notre rôle dans ce contexte n'est pas seulement de nous adapter, mais aussi de créer activement de nouvelles structures sociales qui profitent des capacités de l'IA tout en valorisant les spécificités de la pensée humaine. La prise de conscience est la première étape, mais ce qui importe vraiment est la capacité d'agir et d'évoluer. Pour y parvenir, nous devons remettre en question nos modèles actuels, qu'il s'agisse du système éducatif, du marché du travail, de nos relations sociales et même de nos modèles économiques. L'intégration des technologies doit se faire de manière réfléchie et constructive, en redéfinissant nos priorités et en réorganisant nos valeurs.

Face à l'IA qui élargit indubitablement les capacités humaines, il y a justement des femmes et des hommes dotés d'un cerveau, capables non pas d'une seule intelligence mais de multiples. En intégrant ces différentes intelligences, en les combinant et en les enrichissant les unes avec les autres, nous pouvons accéder à des perspectives infiniment plus riches que celles prédictibles par l'IA seule. La créativité et l'ingéniosité humaines sont des ressources inestimables qu'il est temps de pleinement exploiter. Nous devons développer des compétences et des savoir-faire qui viennent compléter les algorithmes, afin de créer un futur aligné avec nos ambitions humaines. La complémentarité entre l'humain et la machine représente un potentiel immense qui, s'il est bien utilisé, peut permettre des progrès encore inimaginables. Cela nécessite néanmoins une attention constante et une capacité à ajuster nos choix et nos orientations au fur et à mesure que nous avançons.

Cette collaboration entre l'IA et l'humain est une occasion unique de repenser nos systèmes sociaux, nos méthodes de travail, et même notre vision du monde. En utilisant notre créativité, en encourageant la coopération entre disciplines et la convergence des savoirs, nous pouvons imaginer des solutions aux grands défis de notre époque, comme le changement climatique, les inégalités ou encore les crises sanitaires. L'IA, loin d'être une menace, devrait être perçue comme un allié puissant qui, lorsqu'il est utilisé correctement, peut renforcer notre capacité d'innovation et de résilience. Mais pour que cela fonctionne, il est essentiel de maintenir l'humain au centre de cette révolution technologique, en veillant à ce que chaque progrès soit orienté vers le bien-être collectif, le respect de la diversité et la préservation de nos libertés fondamentales.

L'IA, aussi avancée soit-elle, ne remplacera jamais la profondeur de l'expérience humaine, nos paradoxes, nos émotions, notre capacité à créer du sens à partir du chaos. C'est pourquoi il est indispensable de travailler avec l'IA comme un outil au service de notre humanité, et non l'inverse. L'heure est venue de surmonter nos peurs et nos réticences, et de construire ensemble un avenir dans lequel l'IA n'est pas simplement un outil supplémentaire, mais une véritable extension de notre potentiel. Une chance de redéfinir notre manière d'être, de travailler et de prospérer sur cette planète en la respectant car ce n’est pas le chemin que nous empruntons !


SocialAI : Des amis rien que pour vous mais virtuels

Le réseau SocialAI permet de créer vos amis virtuels sur mesure. En apparence, cette technologie semble offrir un refuge aux personnes isolées, une alternative sociale où chaque utilisateur peut personnaliser ses relations et être entouré de figures qui lui ressemblent. Au-delà de cette façade qui semblera séduisante à certaines personnes, plusieurs effets négatifs apparaissent : l'isolement progressif dans une bulle individuelle, des impacts notables sur la santé mentale, et la satisfaction de besoins narcissiques qui ne cessent de croître.

SocialAI et des plateformes similaires permettent aux utilisateurs de se créer des cercles sociaux virtuels qui répondent parfaitement à leurs attentes et désirs. Chaque "ami" virtuel est conçu pour renforcer les opinions et valider les préférences de l'utilisateur. Cela conduit à la formation d'une bulle où l'utilisateur est constamment conforté dans ses idées sans jamais être remis en question. Cette absence de confrontation avec des opinions divergentes renforce le phénomène de polarisation sociale et peut mener à des comportements égocentriques et unilatéraux.

En conséquence, les utilisateurs de SocialAI sont de plus en plus coupés de la diversité des perspectives qui enrichissent habituellement les interactions humaines. En plus, les relations construites sur ces plateformes ont souvent une superficialité qui peut sembler plus authentique que des interactions humaines réelles mais plus complexes. Pamela Rutledge, directrice du Media Psychology Research Center, explique que cette immersion dans des relations unilatérales peut donner une illusion de connexion réelle, mais sans réciprocité véritable. Ce phénomène pousse les utilisateurs à développer une vision biaisée des relations, où l'autre n'est qu'un reflet de leurs propres désirs.

Impacts psychologiques sur les utilisateurs

L'utilisation de SocialAI a des conséquences psychologiques importantes, en particulier sur la santé mentale. Paradoxalement, le sentiment d'isolement est renforcé par cette immersion dans des relations artificielles. Les interactions authentiques, qui nécessitent de l'empathie et un engagement réel envers autrui, sont remplacées par des dialogues qui nourrissent principalement l'ego de l'utilisateur. Une étude publiée dans BMC Psychiatry souligne que les réseaux sociaux peuvent affecter négativement la santé mentale en exacerbant l'anxiété et en déshumanisant les interactions humaines. Avec SocialAI, les utilisateurs risquent de perdre la capacité à interagir de manière saine avec de vraies personnes, renforçant ainsi leur isolement. Ce besoin de validation constante, nourri par les interactions avec des amis virtuels, conduit également à une augmentation de la vulnérabilité narcissique. Cette forme de narcissisme se caractérise par une hypersensibilité à la critique et une incapacité à tolérer la frustration. À long terme, ces comportements peuvent entraîner une instabilité émotionnelle importante et une dépendance aux interactions virtuelles pour maintenir une estime de soi fragile.

Le narcissisme comme moteur principal

Les technologies comme SocialAI tirent une grande partie de leur succès de leur capacité à satisfaire le besoin humain de reconnaissance et de valorisation. Les amis virtuels de SocialAI sont programmés pour complimenter, écouter et valoriser l'utilisateur sans jamais le défier. Cela correspond parfaitement aux individus présentant des traits narcissiques, pour qui l'image de soi et le statut social sont primordiaux. La recherche montre que les personnes narcissiques préfèrent les interactions où elles peuvent mettre en avant leurs qualités et recevoir des retours positifs, ce que SocialAI leur offre sur mesure. En personnalisant chaque interaction, l'algorithme de SocialAI renforce ce besoin de validation, ce qui encourage l'utilisateur à se replier sur lui-même. Les amis virtuels sont là pour satisfaire l'ego de l'utilisateur, sans jamais créer de déséquilibre ou de conflit. Luke Munn a noté que le design de ces plateformes n'est pas neutre : il est pensé pour maximiser l'engagement et la monétisation, souvent au détriment du bien-être des utilisateurs. Ces environnements favorisent un cycle de gratification immédiate, où l'autre est perçu uniquement à travers le prisme des besoins de l'utilisateur.

Le danger de SocialAI ne se limite pas à ses effets individuels, il a également des conséquences sociétales. En encourageant des interactions où la complexité de l'autre est simplifiée et docile, SocialAI contribue à la déshumanisation des relations humaines. Nous risquons de devenir des êtres incapables de tolérer la diversité, de développer une véritable empathie, ou de créer des relations authentiques basées sur la confrontation d'idées et l'acceptation de la différence. Plutôt que de nous entourer d'amis virtuels qui ne sont que des reflets de nous-mêmes, nous devons préserver la richesse de la diversité humaine et construire des relations fondées sur l'écoute, la complexité et le partage. Les défis de l'ère numérique ne consistent pas seulement à multiplier les interactions, mais à s'assurer qu'elles restent authentiques et porteuses de sens. En sortant de notre bulle de confort et en embrassant l'altérité, nous pouvons véritablement évoluer en tant qu'individus et en tant que société.


Retour d’expériences

Ces dernières années, j’ai eu l’opportunité d’accompagner plus de 100 entreprises dans leur démarche d’adoption de l’IA. Ces collaborations m’ont permis d’observer, à travers une multitude de secteurs et de cas d’usage, les facteurs qui contribuent au succès mais aussi les erreurs récurrentes qui mènent à l'échec. Ces derniers sont d’ailleurs souvent plus instructifs que les réussites, car ils révèlent les angles morts et les obstacles systémiques qui freinent la transformation. Voici selon moi les trois principaux facteurs d'échec.

  1. Attentes trop grandes et mal calibrées : L’IA est souvent perçue comme une solution miracle capable de résoudre instantanément des problèmes complexes. Cette idéalisation conduit à des attentes exagérées et, par conséquent, à des déceptions. L’IA est puissante, mais elle n’est pas magique. Elle nécessite du temps, des données de qualité, et une maturation progressive. Les attentes mal calibrées sont souvent dues à un manque de compréhension technique, de culture de l’IA et parfois à des pressions internes pour obtenir des résultats spectaculaires rapidement.

  2. Choix de cas d’usage trop complexes dès le début : Démarrer avec un cas d’usage trop complexe est l'une des erreurs les plus récurrentes. Beaucoup d’entreprises veulent immédiatement aborder des problématiques ambitieuses : automatiser l’ensemble d’un processus ou prédire des événements rares avec précision. Or, sans maîtrise des fondamentaux, ces projets deviennent rapidement inextricables. L’idéal est de commencer par des cas d’usage simples, offrant des résultats rapides et concrets, qui permettent d’apprendre, de tester, et de gagner la confiance des équipes.

  3. Manque de vision et de sens : Beaucoup d’initiatives IA sont lancées sans vision globale de leur apport stratégique. L’IA devient alors une simple expérimentation technologique, sans lien clair avec les objectifs de l’entreprise ou sans réponse directe aux besoins des utilisateurs ce qui ne fait qu’amplifier la dimension anxiogène de cette technologie. Un projet IA doit s’intégrer dans une vision à long terme, une stratégie éclairée qui répond à un besoin concret et il faut parler des peurs sans les mettre sous le tapis. Le manque de sens freine l’engagement et entrave l’adoption réelle de la solution.

La nécessité d'un équilibre 80/20 entre productivité et valeur ajoutée

Pour maximiser les chances de succès d’une transformation IA, il est essentiel de répartir l'énergie de manière stratégique : consacrer environ 80 % des efforts à des enjeux de productivité et 20 % à l’augmentation de la proposition de valeur. Cette approche permet de sécuriser des gains rapides et concrets, en optimisant des processus existants, tout en réservant une partie de l'énergie à des initiatives innovantes qui augmentent la valeur perçue par les clients ou les utilisateurs finaux. Ce ratio garantit une base solide de résultats mesurables et améliore la compétitivité, tout en laissant la place à l’innovation pour différencier l'entreprise sur le long terme.

Quelle approche adopter pour réussir ?

Pour éviter ces écueils, il est crucial de changer d’approche. Voici quelques recommandations pour démarrer un projet IA avec de meilleures chances de succès :

  • Commencer petit : Privilégiez des cas d’usage simples mais à fort impact, qui peuvent être mis en place rapidement et fournir des résultats concrets. Cela permettra de prouver la valeur de l’IA et de créer un effet d’entraînement.

    A titre d’exemple, quand JP Morgan décide d’utiliser ChatGPT pour écrire les comptes rendus des rendez-vous avec les clients, ils ne cherchent pas la perfection. Ils se sont satisfaits d’être meilleurs avec l’IA que 80% des humains. Ce choix à conduit immédiatement à une augmentation très importante de la qualité moyenne des comptes rendus malgré la baisse de 20% d’entre eux.

  • Aligner les attentes : Formez les dirigeants et les équipes sur ce que l’IA peut et ne peut pas faire. Créez un cadre réaliste pour éviter les déceptions.

    Et si en plus, vous commencez par le sujet le plus “irritant” de l’entreprise, l’adhésion est garantie !

  • Construire une vision partagée : Inscrivez l’IA dans une stratégie globale. Chaque projet IA doit avoir un objectif clair, étroitement lié aux objectifs de l’entreprise, et apporter une valeur mesurable.

    Le facteur + consiste à ne pas nommer Madame ou Monsieur IA omnipotent. Si vous le faites, l’adoption sera sa responsabilité et en aucune façon celle de chacun. Tentons de ne pas reproduire ce qui s’est passé avec la RSE … L’idée est que la “technique” est le leadership sur les données, les écosystèmes, la sécurité et l’industrialisation mais jamais sur les usages. Ces derniers doivent rester dans les métiers et si possible adressés par des équipes multidisciplinaires avec du temps alloué.

A vous de jouer !


L'empreinte carbone des requêtes IA

Avez-vous déjà pensé à l'empreinte carbone d'une simple demande formulée à ChatGPT ? Selon Shaolei Ren, chercheur à l'Université de Riverside en Californie, une réponse de cet outil contenant une centaine de mots est particulièrement coûteuse en énergie et en eau. « Cela revient à consommer une bouteille d'eau et à allumer 14 ampoules LED pendant une heure », explique-t-il. Un coût environnemental qui peut rapidement augmenter en raison du nombre élevé d'utilisateurs de ce chatbot dans le monde. En se basant sur ces estimations, si un travailleur américain sur dix utilisait ChatGPT une fois par semaine pendant un an pour rédiger un courriel, cela représenterait une consommation de 435 millions de litres d'eau et de 121 517 mégawattheures d'électricité. Ce montant d'énergie serait suffisant pour éclairer tous les foyers de Washington DC pendant 20 jours.

Si l'utilisation de l’IA consomme autant d'eau, c'est parce que les centres de données utilisés produisent beaucoup de chaleur lors des calculs complexes. Il faut de grandes quantités d'eau pour refroidir ces installations et réduire la température des serveurs. Dans certaines régions où l'électricité est bon marché ou où l'eau est une ressource précieuse, on préfère utiliser des climatiseurs, qui eux, nécessitent de grandes quantités d'électricité.

L’IA nous offre un confort certain, mais elle a aussi un coût écologique qui ne peut être ignoré. Il faut l’utiliser en conscience et à mon avis taxer l’impact environnemental.

Une solution technologique à ce problème ?

Les ingénieurs de Sandia ont mis au point une nouvelle technologie pour les centres de données en plongeant les serveurs dans un liquide de refroidissement. Cela permet d’éliminer le besoin des systèmes traditionnels de refroidissement. En éliminant la nécessité de ces systèmes énergivores, cette méthode pourrait permettre de réduire la consommation d'énergie des centres de données jusqu'à 70 %. Ce gain en efficacité énergétique représente un potentiel énorme pour un secteur connu pour sa forte empreinte carbone.

Cette technologie de refroidissement par immersion permet aussi de prolonger la durée de vie des serveurs en minimisant les fluctuations de température, souvent responsables de l'usure des composants électroniques. Elle pourrait constituer une avancée vers des centres de données plus durables et écoresponsables. Par contre, ils n’ont pas expliqué comment est fabriquée cette substance ni ses composants …

A suivre.


Décodage du rachat d’OctoAI par Nvidia

Nvidia, leader dans les semi-conducteurs et l'IA, avient d’acquérir OctoAI, une start-up spécialisée dans l'apprentissage automatique décentralisé. Cette acquisition fait partie d'une stratégie globale visant à renforcer la position de Nvidia dans l'écosystème de l'IA et en particulier en diversifiant ses capacités pour soutenir l'intelligence distribuée. OctoAI se distingue par des solutions optimisées pour l'apprentissage automatique dans des environnements décentralisés ce qui permet d'exécuter des algorithmes directement sur des dispositifs connectés sans passer par des centres de données centraux. Cette technologie est clé pour le développement de l'IA embarquée, un domaine que Nvidia souhaite dominer. Pour rappel, la société travaille sur une puce embarquée dans nos smartphones suffisamment puissante pour disposer d’IA locales qui irait jusqu’à des clones digitaux partiels. Sortie prévue en 2026. Avec cette acquisition, Nvidia souhaite réduire la latence et à diminuer les coûts énergétiques associés aux traitements d'IA, tout en augmentant la flexibilité des applications. En associant la puissance de ses GPU à des solutions d'apprentissage distribuées, Nvidia offre et surtout offrira une infrastructure robuste aux développeurs pour concevoir des applications IA plus réactives et mieux adaptées aux contraintes.

Cette acquisition se situe dans un contexte de forte concurrence, avec des acteurs majeurs comme Google, Amazon, et Microsoft qui investissent massivement dans l'IA décentralisée. Nvidia, historiquement centré sur les centres de données pour l'IA centralisée, a vu dans OctoAI une opportunité de se développer vers des solutions plus flexibles et distribuées, particulièrement adaptées aux technologies émergentes telles que les véhicules autonomes, les drones, et les dispositifs médicaux connectés. De plus, cette acquisition permet à Nvidia de diversifier ses sources de revenus en se concentrant non seulement sur la fourniture de matériel, mais aussi sur la création de solutions logicielles et de services. Ils veulent rendre l'IA plus accessible aux entreprises qui souhaitent intégrer des fonctionnalités intelligentes sans infrastructure complexe.


Le capitalisme est mort, vive le Techno-Capitalisme ! Et c'est une mauvaise nouvelle

Il fut un temps où le capitalisme reposait sur la production matérielle, la valeur du travail humain, et des échanges réels entre individus. Ce modèle économique, malgré ses limites, avait l'avantage de lier la valeur au travail humain, à l'initiative entrepreneuriale et à l'innovation concrète. Mais aujourd'hui, le capitalisme tel que nous le connaissions disparaît progressivement, remplacé par ce que l'on appelle le "techno-capitalisme". Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il ne s'agit pas d'une simple évolution naturelle, mais d'une transformation radicale qui bouleverse les bases de nos sociétés et malheureusement, ce n'est pas forcément une bonne nouvelle.

Le techno-capitalisme est dominé par les entreprises technologiques qui créent de la valeur à partir des données, des algorithmes et des actifs numériques immatériels. Les géants de la tech ne produisent plus de biens matériels au sens traditionnel, mais des plateformes, des interfaces, et des écosystèmes entiers qui capturent notre attention et monétisent nos comportements. Google, Meta, Amazon, ces entreprises construisent leurs empires non pas en produisant des biens physiques, mais en exploitant nos données, en optimisant des processus numériques, et en créant des monopoles de l'attention. Même si cela a permis des avancées significatives, il est essentiel de comprendre ce que cela implique pour nos sociétés, nos droits, et notre avenir collectif.

Pourquoi est-ce une Mauvaise Nouvelle ?

Le problème avec ce modèle est qu'il remplace progressivement une économie centrée sur l'humain par une économie où la valeur est produite de manière déconnectée des besoins réels des personnes. Le techno-capitalisme est certes efficace pour générer de la richesse, mais cette richesse se concentre de manière exponentielle entre les mains de quelques entreprises. Contrairement au capitalisme traditionnel, où des petits entrepreneurs pouvaient émerger et prospérer, le techno-capitalisme privilégie les géants qui contrôlent les flux de données et imposent leurs écosystèmes fermés. Cela réduit non seulement la concurrence, mais limite aussi la capacité de nombreux citoyens à participer activement au processus économique. Ce modèle entraîne également une précarisation du travail. L'automatisation croissante et l'usage de l'IA réduisent la valeur du travail humain. Les travailleurs deviennent remplaçables, et les plateformes numériques transforment les relations de travail en une série de micro-tâches mal rémunérées, souvent sans droits ni protections. Le travailleur n'est plus reconnu pour son expertise, mais pour sa capacité à se plier aux exigences des algorithmes qui dictent les conditions de travail. Par conséquent, nous assistons à une fragmentation du travail, où les emplois stables et bien rémunérés deviennent de plus en plus rares, remplacés par des formes de travail précaire, telles que le travail à la tâche ou le “freelancing”, souvent sous-payé et dépourvu de sécurité sociale.

Le techno-capitalisme crée aussi une dépendance envers la technologie et les grandes plateformes qui la contrôlent. L'innovation, qui était autrefois accessible aux petits entrepreneurs, est désormais centralisée entre les mains de quelques géants qui contrôlent l'accès aux données et aux outils technologiques. Ces entreprises décident qui a le droit d'innover, à quelles conditions, et qui peut accéder aux ressources nécessaires. Cela conduit à une inégalité croissante entre les acteurs économiques, où seules les entreprises disposant de vastes ressources financières et technologiques peuvent se permettre d'innover et de prospérer.

Il en va de même avec la démocratie. La concentration du pouvoir économique entre les mains de quelques grandes entreprises s'accompagne d'une influence politique considérable. Ces géants de la technologie façonnent les politiques publiques, dictent les conditions d'accès à l'information, et influencent les comportements des individus souvent au détriment de l'intérêt général. Ils se positionnent de plus en plus clairement au-dessus des Etats. Cela crée une situation où la démocratie est affaiblie car ces entreprises n'ont de comptes à rendre qu'à leurs actionnaires et non à la société dans son ensemble. Les plateformes numériques, en tant que principales sources d'information, jouent également un rôle primordial dans la formation de l'opinion publique. Cela leur confère un pouvoir immense voir démesuré sur le débat démocratique et les choix électoraux.

L'Inadaptation du Modèle d'Aujourd'hui

Face à ces transformations, notre modèle de société actuel est totalement inadapté. Nos régulations, nos systèmes fiscaux et nos normes sociales ont été conçus pour une époque où la valeur était essentiellement liée au travail humain et à la production de biens tangibles. Aujourd'hui, la valeur est créée indépendamment du travail humain, souvent sans transactions directement observables ou imposables. Par exemple, notre système fiscal reste largement axé sur la taxation du travail, alors que de plus en plus de valeur est produite par des algorithmes, de l'IA et des systèmes automatisés. Les grandes plateformes technologiques génèrent des profits colossaux sans employer beaucoup de main-d'œuvre et sans être soumises aux mêmes contraintes fiscales que les industries traditionnelles. Les profits sont souvent transférés vers des paradis fiscaux, échappant ainsi aux taxes nationales, tandis que les travailleurs et les petits entrepreneurs supportent une part disproportionnée du fardeau fiscal. Ce décalage crée une situation où les grandes entreprises bénéficient des infrastructures et des services publics sans contribuer équitablement à leur financement, ce qui accroît encore les inégalités.

Il est temps de repenser en profondeur notre modèle économique et social. La taxation devrait se focaliser non plus sur le travail humain, mais sur la valeur produite, peu importe comment elle est créée. Que la richesse provienne de l'automatisation, de la valorisation des données ou des gains tirés des plateformes, il faut élargir la base d'imposition pour assurer une répartition équitable de la richesse. Par exemple, taxer les algorithmes ou les robots qui remplacent le travail humain pourrait permettre de financer des programmes sociaux et de soutenir la transition vers de nouvelles formes de travail. Cela pourrait aussi inciter les entreprises à adopter des technologies de manière plus responsable, en tenant compte des conséquences sociales de l'automatisation.

Ce changement de paradigme est essentiel pour éviter un futur où les inégalités continuent de croître, où le pouvoir économique se concentre encore davantage, et où le progrès technologique profite principalement à une minorité. Il est nécessaire de créer des mécanismes qui permettent de redistribuer la valeur produite par la technologie, afin de s'assurer que les bénéfices de l'innovation profitent à l'ensemble de la société. Cela implique également de réformer notre système éducatif pour préparer les individus aux emplois de demain, en mettant l'accent sur les compétences créatives et humaines qui ne peuvent être facilement automatisées.

Dans le techno-capitalisme, les données personnelles sont devenues la nouvelle monnaie d'échange et leur exploitation sans consentement éclairé pose de graves questions éthiques. La régulation doit garantir que les utilisateurs ont le contrôle sur leurs données et que celles-ci ne sont pas utilisées de manière abusive. De plus, les algorithmes qui dictent de plus en plus de décisions dans notre quotidien doivent être transparents et soumis à des normes de responsabilité. Cela est essentiel pour éviter les discriminations automatisées et garantir que la technologie est utilisée au bénéfice de tous. Le techno-capitalisme est là pour rester mais il est de notre responsabilité collective d'en redéfinir les règles.

Nous devons inventer un nouveau modèle économique qui place l'humain, la justice sociale et l'équité au centre de la création de valeur. Il ne s'agit pas seulement d'ajuster les règles du jeu, mais de repenser en profondeur notre rapport à la technologie, à l'économie, et à la société. Pour y parvenir, il est essentiel de construire une vision collective de ce que devrait être l'avenir. La définition des rôles des citoyens, des gouvernements, des entreprises et des organisations de la société civile est indispensable pour orienter cette transformation de manière positive. Des initiatives telles que le revenu de base universel, la taxation des transactions numériques, et des politiques de soutien aux travailleurs précarisés par l'automatisation sont autant de pistes à explorer pour créer un avenir plus juste. Il est nécessaire d’embrasser toutes les possibilités sans dogmatisme et surtout en regardant demain et non pas hier. Il est temps de passer d'une vision passive du progrès technologique, où l'on subit les changements, à une vision active, où l'on choisit la direction que l'on souhaite prendre.

Le défi est de taille : transformer un système profondément inégalitaire en un levier de progrès partagé. Pour ce faire, cela nécessite du courage politique, de l'innovation sociale, et un engagement collectif pour un monde plus juste.


La régulation européenne : barrière à l'innovation ?

La question de savoir si la régulation européenne étouffe l'innovation divise les opinions et en particulier dans le secteur technologique. Ces dernières semaines, plusieurs grandes entreprises de la tech, dont Meta et Spotify, ont exprimé leur mécontentement face aux régulations en place en Europe qu'elles considèrent comme contraignantes et limitant leur compétitivité par rapport à d'autres régions du monde. Ces accusations ont été formulées dans une lettre ouverte publiée le 19 septembre, accompagnée d'une pétition et de publicités dans des grands journaux. Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, a notamment suspendu le lancement de son assistant d'IA, Meta AI, en Europe, en invoquant les barrières réglementaires. Apple a également reporté le lancement de son assistant d'IA en Europe, prétextant des "incertitudes réglementaires" liées au Digital Markets Act (DMA).

Ces critiques conduisent à une question clé : est-ce que la régulation européenne freine réellement l'innovation ou est-elle, au contraire, un garde-fou nécessaire pour protéger les droits des utilisateurs et encourager un écosystème numérique plus équilibré ? Du point de vue des entreprises technologiques, l'environnement européen est devenu trop rigide ce qui empêche l'innovation rapide et dynamique qui caractérise le secteur technologique à l'échelle mondiale. Ces entreprises affirment que les régulations de l'UE créent des barrières, augmentent les coûts de conformité, et limitent le déploiement de nouvelles technologies. Par exemple, Meta a critiqué la CNIL irlandaise pour avoir interdit l'utilisation des contenus publics sur ses plateformes sans le consentement des utilisateurs, ce qui, selon Meta, freine l'entraînement de ses IA sur les langues et cultures européennes, désavantageant ainsi l'Europe face aux modèles anglo-saxons.

La régulation du numérique est défendue avec ferveur du côté de Bruxelles. Les législateurs affirment que les lois européennes, notamment le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), sont en réalité pro-innovation, car elles harmonisent les règles sur l'ensemble du marché européen et ouvrent des opportunités pour les acteurs plus petits en leur permettant de rivaliser avec les grandes entreprises. L'objectif est de protéger les utilisateurs tout en réduisant la domination économique de quelques acteurs majeurs tout en favorisant ainsi une diversification du paysage technologique européen. Le cas de Google, qui avait limité l'affichage de ses cartes Google Maps en Europe au lieu de proposer des services alternatifs, est souvent cité comme un exemple de mauvaise foi des grandes entreprises, plutôt que de la difficulté d'innover dans le cadre de la régulation.

Les régulateurs de l'UE rappellent que les lois numériques ne visent pas uniquement à encadrer les grandes entreprises, mais aussi à créer un écosystème de confiance pour les consommateurs et les citoyens. Dans d'autres secteurs, comme l'alimentation ou les jouets, des produits non conformes sont fréquemment interdits sur le marché européen pour protéger les consommateurs, et cela ne suscite pas de telles polémiques. Pour Bruxelles, il est donc parfaitement légitime de mettre en place des garde-fous similaires dans le secteur numérique, un secteur qui a un impact direct sur la vie privée des citoyens et leur accès à l'information. La régulation européenne vise également à promouvoir une innovation éthique. En imposant des règles strictes sur l'utilisation des données et en garantissant la protection de la vie privée, l'UE cherche à favoriser un cadre où l'innovation ne se fait pas au détriment des droits fondamentaux des individus. La transparence et la responsabilité sont au cœur de cette approche ce qui permet non seulement de construire des technologies sûres, mais aussi de renforcer la confiance du public. L'innovation responsable est une démarche plus durable à long terme, car elle minimise les risques de crises de réputation et de conflits juridiques, tout en répondant aux attentes croissantes de la société en matière de protection des données et d'éthique.

Certaines critiques sur la "complexité réglementaire" ont également été nuancées par des analystes et des responsables politiques. Par exemple, l'eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin a souligné que les grandes entreprises de la technologie utilisent souvent la régulation comme bouc émissaire dès qu'elles rencontrent des obstacles sans oublier de profiter des avantages d'un marché européen harmonisé. La concurrence équitable est une notion fondamentale pour l'Europe. Sans un cadre réglementaire adéquat, il est probable que quelques géants continueraient de monopoliser le marché ce qui limitera de fait l'innovation locale et réduisant la diversité des services pour les consommateurs. Les textes comme le DMA et le DSA sont conçus pour redistribuer les opportunités et encourager l'émergence d'alternatives européennes, particulièrement dans des secteurs dominés par des entreprises non européennes. Cela a été illustré par la promotion de navigateurs alternatifs comme Brave ou Opera, qui bénéficient désormais de nouvelles perspectives grâce à ces régulations.

Un autre aspect essentiel est la capacité des entreprises à s'adapter et à collaborer avec les régulateurs. Certains responsables européens ont perçu non sans raison le retard d'Apple dans le lancement de son assistant d'IA en Europe comme une tentative de faire pression sur les décisions de l'UE, plutôt qu'une conséquence directe des régulations. Ce type de réaction peut être vu comme une stratégie de lobbying visant à retarder la mise en conformité avec les nouvelles obligations. Dans tous les cas, l'Europe reste un marché crucial pour ces entreprises et il est peu probable qu'elles s'en retirent complètement malgré des suspensions temporaires de certains services.

La régulation européenne joue également un rôle important dans la définition de normes de gouvernance numérique au niveau mondial. En établissant des standards élevés en matière de protection des données et de transparence, l'UE se positionne comme un modèle à suivre pour d'autres pays et régions. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est un exemple de cette influence car il a inspiré des législations similaires ailleurs dans le monde. En définissant les règles du jeu, l'Europe aspire à influencer le futur du numérique selon ses valeurs, telles que la protection des droits humains et l'équité.

En parallèle, l'innovation en Europe est soutenue par des initiatives locales et des programmes visant à encourager l'entrepreneuriat et la recherche. Ces dimensions sont souvent ignorées dans les débats sur la réglementation. Le soutien à la recherche fondamentale, les incubateurs de startups et les financements disponibles pour des projets technologiques sont autant de leviers pour stimuler l'innovation, malgré les contraintes réglementaires. Des programmes tels que Horizon Europe financent des projets qui repoussent les limites de la technologie tout en respectant les valeurs européennes. Cette combinaison de soutien financier, de cadre réglementaire et d'infrastructures peut renforcer la position de l'Europe comme leader de l'innovation durable.

Plutôt que de percevoir ces régulations comme des obstacles, les entreprises de la technologie pourraient y voir une opportunité de développer des solutions plus éthiques et durables ce qui contribuerait ainsi à la construction d'un futur numérique respectueux des droits et libertés des individus. Pour l'Europe, l'innovation ne peut se faire sans régulation sauf à abandonner de nombreuses valeurs. L'idée n'est pas de restreindre la créativité ou d'entraver le progrès, mais de créer un environnement où les avancées technologiques se font de manière sûre, équitable et durable. Le choix de réglementer, même si cela peut paraître contraignant à court terme, est en réalité une stratégie pour garantir que l'innovation profite à l'ensemble de la société et pas seulement à quelques entreprises dominantes. La construction d'un marché numérique harmonisé, la protection des données personnelles, et la promotion de la concurrence sont autant d'éléments qui, à terme, pourraient transformer l'UE en un pôle d'innovation respectueux des valeurs humaines. L'innovation responsable est la voie vers une croissance durable et l'Europe a choisi d'en faire une priorité pour ne pas compromettre les droits des citoyens. C’est une vision de l'innovation qui place l'humain au centre du progrès technologique. C’est un choix.


Bonnes métamorphoses !

Stéphane

Métamorphoses

Par Stéphane Amarsy

Stéphane est un entrepreneur visionnaire et un pionnier dans l'intersection de l'intelligence artificielle et de la transformation organisationnelle / sociétale. Fondateur de The Next Mind, il est guidé par une philosophie simple, mais percutante : "Mieux vaut s'occuper du changement avant qu'il ne s'occupe de vous !"

Sa trajectoire professionnelle, marquée par la création d'Inbox, devenue plus tard D-AIM en changeant complétement de business model, des levées de fonds, la fusion avec Splio, et l'élaboration du concept disruptif d'Individuation Marketing, sert de fondation solide à sa nouvelle entreprise. The Next Mind est le fruit de décennies d'expérience dans l'accompagnement de plus de 400 entreprises à travers plus de 30 pays dans leur transformation digitale / data / IA et organisationnelle.

Auteur du livre ​​"Mon Directeur Marketing sera un algorithme"​​, qui est une description de la société qu'il a projetée en 2017, auteurs de nombreuses tribunes, conférencier et intervenant dans plusieurs universités et écoles, il ne se contente pas de prêcher la transformation, il l'incarne. Chaque expérience proposée par Stéphane est inspirée entre autres par son vécu d'entrepreneur. Il pousse à affronter les réalités d'un monde en perpétuels changements. Stéphane est convaincu que la prise de conscience n'est que la première étape ; ce qui compte vraiment, c'est la capacité à agir et à s'adapter.

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