#85 Il vaut mieux s'occuper du changement avant qu'il s'occupe de vous !

l'intoxication russe / Habiter une « Freedom City » : une utopie libertarienne ou un cauchemar écologique ? / L’avis d’OpenAI sur la stratégie à mener pour l’IA par les Etats-Unis / Trump-Musk et la recherche scientifique américaine

Métamorphoses
12 min ⋅ 18/03/2025

Bonjour à toutes et tous,

Au menu cette semaine :

  • L'intoxication russe

  • Habiter une « Freedom City », utopie libertarienne ou un cauchemar écologique ?

  • L’avis d’OpenAI sur la stratégie à mener pour l’IA par les Etats-Unis

  • Trump-Musk et la recherche scientifique américaine

Bonne lecture.


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L’intoxication russe

La propagation de la désinformation à l’ère numérique constitue un enjeu majeur d’influence voir de manipulation. Ce phénomène est accentué par l'intégration des contenus “orientés” dans les données d'entraînement des systèmes d'IA. Parmi les phénomènes les plus problématiques (il y en a beaucoup) se trouve l’exploitation des modèles d’apprentissage automatique par la propagande russe, notamment à travers un réseau de désinformation identifié sous les appellations de « Portal Kombat » ou « Pravda ». Depuis 2024, Viginum (l'organisme français spécialisé dans la détection des ingérences numériques étrangères) documente précisément un réseau structuré et étendu de sites web visant à diffuser de la désinformation pro-Kremlin. Ce réseau est connu sous le nom de « Portal Kombat ». Il comprend à minima 193 plateformes publiant quotidiennement jusqu’à 1 500 contenus dans cinq langues différentes. L’objectif principal de cette infrastructure numérique est double et simple : renforcer le récit officiel du Kremlin concernant ses actions en Ukraine et discréditer simultanément les positions occidentales.

Le niveau d’intoxication est tel qu’il est très surveillé par des institutions de recherche reconnues comme Newsguard et le DFRLab. La cause de cette inquiétude est la capacité des contenus produits par Portal Kombat à pénétrer efficacement les données d'apprentissage des outils d'IA grand public, tels que ChatGPT ou Gemini. Ces systèmes, par leur mécanisme d'acquisition automatique de données en ligne, assimilent involontairement les informations biaisées propagées par ce réseau. Par conséquence, les réponses générées par ces IA sur des questions sensibles comme le conflit ukrainien peuvent être teintées de désinformation et amplifient involontairement le discours pro-russe. Les effets de cette contamination informationnelle ont été clairement illustrés par plusieurs études. À titre d’exemple, des recherches menées par Newsguard ont mis en évidence que lorsqu'on interroge les IA sur une prétendue interdiction du réseau social Truth Social par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, six des dix outils testés ont relayé une fausse information en s’appuyant directement sur des publications issues de Portal Kombat. De manière analogue, des théories sans fondement concernant l’existence de laboratoires biologiques militaires en Ukraine ou des actes fictifs de militants ukrainiens contre Donald Trump ont été diffusées par ces systèmes automatisés. ce exemples illustrent la vulnérabilité des IA à une exploitation propagandiste.

Cela met en exergue les implications essentielles concernant la fiabilité intrinsèque et la robustesse épistémologique des systèmes d’intelligence artificielle contemporains. L’ampleur et la diversité des sources d’information accessibles en ligne exposent ces modèles à des risques substantiels de manipulation intentionnelle. Par conséquent, il apparaît indispensable d’intégrer des mécanismes avancés de filtrage, de validation et de vérification des sources utilisées dans les processus d'apprentissage automatique. La coopération entre les développeurs d'IA, les spécialistes en cybersécurité et les experts en vérification des faits devient ainsi une nécessité urgente pour identifier et exclure efficacement les contenus propagandistes. Pour rappel, à ce sujet, Mistral a signé un partenariat avec L’AFP, Meta a décidé d’utiliser le même système que X à savoir l’avis des utilisateurs et Grok3 (IA de xAI donc d’Elon Musk) utilise X pour vérifier les informations de Grok …

La lutte contre la désinformation à travers les systèmes d'IA requiert une approche systémique et pluridimensionnelle. Il est primordial de renforcer la capacité critique des utilisateurs finaux, de responsabiliser davantage les plateformes technologiques en matière de sécurité informationnelle, et d’établir une collaboration proactive entre gouvernements et acteurs internationaux pour contrecarrer les réseaux de désinformation sophistiqués. Face à une menace aussi complexe que celle représentée par Portal Kombat et tous les autres, seule une réponse coordonnée, holistique et multidisciplinaire permettra de préserver l'intégrité et la fiabilité de l'information numérique à l’ère de l’IA.

“Regarde de tous tes yeux, regarde” et passons à l’acte. Il ne nous reste plus beaucoup de temps avant d’être submergé. Ne subissons plus.


Habiter une « Freedom City » : une utopie libertarienne ou un cauchemar écologique ?

Le projet « Freedom Cities », porté par certains milliardaires de la tech proches de l'administration Trump, incarne l'ambition libertarienne poussée à son extrême : créer des villes privées, entièrement gérées par le secteur privé, échappant aux réglementations traditionnelles. Jusqu'à récemment, ce concept appartenait à l'univers des idées débattues dans les conférences TED ou sur les forums spécialisés, mais il gagne désormais en crédibilité politique grâce à un lobbying intense auprès de Donald Trump et de son entourage. Selon Wired, la Freedom Cities Coalition, soutenue par des figures influentes de la Silicon Valley comme Peter Thiel, Marc Andreessen ou Elon Musk, est activement en négociation avec l'administration Trump. Leur objectif ? Obtenir l'autorisation de créer ces enclaves autonomes où le secteur privé pourrait définir ses propres lois, loin des contraintes jugées bureaucratiques.

La proposition est claire et assumée : permettre le développement accéléré d’innovations scientifiques et technologiques sans supervision réglementaire habituelle. Des essais médicaux, des thérapies géniques ou même des réacteurs nucléaires pourraient y être mis en œuvre sans passer par les filtres habituels de la FDA, de la NRC ou de l'EPA. L'un des fondateurs de Minicircle, une startup de biotechnologie financée par Thiel et le PDG d'OpenAI Sam Altman, a exprimé son désir de voir une ville où "tout le monde et leur chien recevraient une thérapie génique", une "ville de la longévité". ur son site web, la Freedom Cities Coalition affirme que "l'environnement réglementaire américain freine le progrès" et que ces zones élimineraient "des décennies d'accumulation bureaucratique tout en préservant les protections essentielles", permettant ainsi "aux entrepreneurs et aux constructeurs d'avancer à la vitesse de l'ingéniosité humaine plutôt qu'à celle de la paperasse". Un argumentaire qui rappelle les discours habituels de la Silicon Valley sur l'innovation sans entraves. Derrière l’apparente “audace” scientifique se cachent pourtant des enjeux éthiques considérables et des risques bien réels pour la société et l'environnement.

Plus inquiétant encore, ces « villes de la liberté » seraient implantées sur des terres fédérales, souvent protégées. Le projet mentionne explicitement que 28 % des terres publiques américaines sont disponibles pour ce type de développement, y compris des espaces naturels essentiels à la biodiversité comme le Parc National du Presidio ou le Lowry Range dans le Colorado. Donald Trump lui-même a évoqué pendant sa campagne l'utilisation de terres fédérales protégées pour ces projets, déclarant : "Les générations précédentes d'Américains ont poursuivi de grands rêves et des projets audacieux qui semblaient autrefois impossibles. Ils ont traversé un continent instable et construit de nouvelles villes dans la frontière sauvage". Cette perspective remet directement en question la préservation écologique, au profit d’une vision purement économique et technologique du territoire.

Le cas de Próspera, une enclave libertarienne au Honduras financée par certains membres de la même coalition, sert d'avertissement. Ce projet, né d’un contexte politique trouble, est désormais contesté par la population locale et en conflit juridique avec le gouvernement actuel. Un exemple qui montre les conséquences potentielles d'une telle expérience menée à grande échelle aux États-Unis. Si l'administration Trump poursuit dans cette voie, en concrétisant notamment son « Agenda 47 », une initiative annoncée par Donald Trump en 2023, visant à créer dix nouvelles villes privées (Freedom Cities) pour stimuler l'économie, l'innovation technologique et offrir des opportunités immobilières en dehors des contraintes réglementaires habituelles, ce qui inclut potentiellement l'utilisation controversée de terres fédérales protégées, les conséquences pourraient être considérables.

Vivre dans une « Freedom City » pourrait sans nul doute être attrayant pour quelques milliardaires rêvant d'expériences scientifiques sans limites. Mais pour le reste de la population, et surtout pour nos précieux parcs nationaux, cette prétendue liberté pourrait rapidement se transformer en cauchemar écologique et démocratique.

Plus le temps passe, plus nous rentrons dans le futur dystopique narré par le mouvement Cyberpunk ! (article à venir).


L’avis d’OpenAI sur la stratégie à mener pour l’IA par les Etats-Unis

Ce document est une réponse formelle d'OpenAI à l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) des États-Unis. Il vise à contribuer à l'élaboration d'un Plan d'action stratégique sur l’IA pour les États-Unis. Il ambitionne clairement la préservation et le renforcement de la domination technologique américaine face à la concurrence agressive de la Chine selon eux. L’objectif central est de maintenir un leadership fondé sur des principes démocratiques tels que la liberté, la transparence et la protection des droits humains. C’est bien sûr à mettre en perspective des autres articles de cette newsletter dont celui qui suit.

Voici 22 points clés du document, classés par thématique :

Liberté et régulation

  1. Liberté d'innover : Réduire les obstacles réglementaires pour soutenir l'innovation technologique.

  2. Préemption réglementaire fédérale : Harmoniser les réglementations fédérales et étatiques pour éviter les contradictions et les ralentissements. Amusant, il existe un véritable risque su fait de l’affaiblissement voulu du niveau fédéral de voir des règlements très différents d’un Etat à un autre, ce qui serait complexe à gérer. Bien plus que l’IA Act que ces groupes détestent …

  3. Facilitation réglementaire : Accélérer les autorisations administratives pour les infrastructures critiques en IA.

Partenariats public-privé

  1. Collaboration volontaire public-privé : Renforcer les échanges entre les entreprises privées et le gouvernement sur une base volontaire afin de sécuriser les développements technologiques. Elon Musk a fait des petits.

Sécurité et normes techniques

  1. Élaboration de standards techniques : Développer des normes précises et adaptées pour assurer la sécurité des modèles avancés d'IA. A date, il n’y a aucune volonté mondiale en la matière. Les Etats-Unis ont systématiquement rejeté toutes les initiatives en la matière.

  2. Projets pilotes pour la sécurité nationale : Mettre en place des modèles spécifiques répondant aux besoins de sécurité nationale critiques.

Infrastructure technologique

  1. Infrastructure pour l’IA : Investir massivement dans les infrastructures clés telles que les data centers.

  2. Modernisation du réseau électrique et de données : Adapter ces infrastructures pour supporter efficacement l’utilisation massive de l’IA.

  3. AI Economic Zones : Établir des zones dédiées où les projets d'infrastructures peuvent bénéficier d'une accélération des procédures administratives.

Données et souveraineté

  1. Digitalisation des données gouvernementales : Faciliter l’accès à des données publiques afin de stimuler l'innovation et d'améliorer les politiques publiques. A minima, celles qui resteront après le passage du DOGE d’Elon Musk.

  2. Protection robuste des données sensibles : Sécuriser les données sensibles utilisées pour l'entraînement des modèles d'IA.

  3. Renforcement de la souveraineté technologique : Garantir un contrôle national total sur les infrastructures et données critiques.

Formation et développement des compétences

  1. Formation généralisée à l’IA : Développer des formations accessibles à tous niveaux pour répondre aux besoins croissants du marché.

  2. Formation massive à l'IA : Préparer une main-d'œuvre compétente et spécialisée dans tous les domaines liés à l’IA.

  3. Stratégie nationale de formation : Adapter constamment les formations pour répondre aux évolutions rapides du secteur.

Diplomatie économique et stratégique

  1. Stratégie d’exportation démocratique de l'IA : Encourager une diffusion mondiale de l'IA basée sur les valeurs démocratiques. No comment.

  2. Encouragement à l’innovation via la diplomatie commerciale : Renforcer la coopération technologique avec les pays alliés. Une autre lecture, continuer la vassalisation et empêcher une émancipation de ces derniers.

  3. Mobilisation des alliances démocratiques : Structurer des alliances internationales autour de normes communes en matière d’éthique et de sécurité. A date, les Etats-Unis ont tout refusé.

Contrôle des exportations et sécurité nationale

  1. Contrôles stricts sur les exportations : Protéger les technologies sensibles contre l’accès des régimes autoritaires.

  2. Segmentation du marché international : Définir une stratégie claire pour différencier les pays selon leur engagement démocratique et leur respect des normes internationales. Nous venons de voir que les Etats-Unis d’aujourd’hui ont une définition que l’on peut à minima qualifier de conservatrice en la matière.

Soutien aux transitions démocratiques

  1. Accompagnement des pays intermédiaires (Tier II) : Soutenir activement la transition démocratique des pays en phase intermédiaire. ce qui fera de nouveaux marchés vassalisés.

  2. Soutien diplomatique à la transition démocratique : Faciliter la migration des pays intermédiaires vers des pratiques démocratiques dans l'usage de l'IA.

Innovation et propriété intellectuelle

  1. Protection de la propriété intellectuelle : Maintenir une approche équilibrée de la propriété intellectuelle avec le "fair use" pour préserver l’innovation. Le “Fair use” d’OpenAI revient à dire que les IA sont légitimes à utiliser le contenu qu’elles ont utilisé. En poussant, il ne s’agit que de petits dommages collatéraux au regard du futur de l’humanité qu’elles représentent.

Projets spécifiques et sécurité

  1. Projets pilotes sur-mesure pour la sécurité nationale : Financer des projets spécifiques pour répondre aux enjeux stratégiques américains.

  2. Projets sur mesure pour besoins critiques : Développer des modèles spécifiques répondant aux besoins précis en matière de sécurité nationale.

Les enjeux économiques, sociétaux, éthiques et sécuritaires liés à l’IA sont vastes et complexes. La rapidité d’évolution de cette technologie présente simultanément des opportunités et des risques considérables. Le défi majeur consiste à gérer cette dualité en assurant un développement inclusif et éthique, prévenant l'accentuation des inégalités tout en exploitant pleinement les bénéfices potentiels dans la santé, l'éducation, et l'environnement. La complémentarité humaine et artificielle constitue un levier essentiel pour construire une société innovante, inclusive et résiliente.

La collaboration internationale sur des normes éthiques communes est essentielle pour contrer la diffusion d’une IA autoritaire et pour préserver les libertés fondamentales. Ainsi, l’engagement stratégique et diplomatique auprès des alliés démocratiques est en effet indispensable pour une gouvernance internationale de l’IA alignée sur les valeurs humaines fondamentales. Mais ce document est avant tout américain pour les américains. Le leadership ne peut être qu’américain et au service de sa stratégie. Les autres pays n’ont pas d’autres choix que de les suivre car sinon le couperet tombera. La Chine tend les bras à tous les déçus. L’UE a tout pour établie une troisième voie à condition de devenir une véritable entité politique et économique.


Trump-Musk et la recherche scientifique américaine

Moins de deux mois après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la communauté scientifique américaine subit un assaut d’une violence incroyable contre ses institutions, ses financements et sa liberté académique. Les récentes décisions de l'administration Trump, exécutées notamment par le Département de l'Efficacité Gouvernementale (DOGE) dirigé par Elon Musk, menacent clairement de paralyser l'innovation, la recherche médicale et la position dominante des États-Unis dans la science mondiale. Cette offensive systématique, qualifiée par certains experts de "Blitzkrieg contre les sciences de la durabilité", combine réductions budgétaires drastiques, licenciements massifs et censure idéologique, avec des conséquences à venir dévastatrices pour la santé publique, l'économie et la compétitivité américaine à long terme.

La médecine

La principale source de financement de la recherche médicale aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH), se trouve au cœur de cette tempête budgétaire. Le 7 février 2025, les NIH ont annoncé des coupes budgétaires importantes (de l'ordre de 5,5 milliards de dollars par an) dans les financements alloués aux organismes bénéficiaires. La mesure la plus controversée concerne le plafonnement à 15% du financement des "frais indirects" liés à la recherche, bien loin des "60% et plus facturés aujourd'hui par certains instituts". Selon les NIH, ce changement permettra d'économiser plus de 4 milliards de dollars par an. Ces frais indirects sont pourtant essentiels au fonctionnement de la recherche, comme l'explique un porte-parole de l'université Johns Hopkins : "Les fonds ciblés servent à financer des outils essentiels, des installations et du personnel de soutien qui rendent la recherche possible", en prenant l'exemple des "ordinateurs qui conservent les données cliniques". En 2023, les NIH avaient accordé plus de 35 milliards de dollars de subventions à plus de 2 500 universités et autres institutions pour soutenir la recherche biomédicale. La réduction brutale de ces financements menace directement des recherches essentielles sur diverses maladies comme le cancer ou les maladies neurodégénératives.

Impact sur les centres de recherche et les populations

L'impact de ces coupes sera particulièrement sévère dans les États ruraux, dont les habitants sont en moyenne plus éloignés des soins médicaux. Ironiquement, ces États ont pour la plupart voté en faveur de Donald Trump. Les conséquences humaines se font déjà sentir, comme en témoigne Connor Phillips, chercheur atteint de paralysie cérébrale : "Dans deux semaines, mon travail s'arrêtera net. Mon accès au labo sera révoqué." Le jeune scientifique, devenu chercheur afin d'aider les enfants atteints de la même condition que lui, s'inquiète : "Cela veut dire que des enfants handicapés le resteront. Les remèdes ne seront pas trouvés". Le 5 mars, une juge fédérale de Boston a émis une injonction nationale bloquant ces coupes, estimant qu'elles étaient illégales. Toutefois, la Maison Blanche fera très certainement appel de cette décision.

Le rôle du DOGE et d'Elon Musk

Dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a nommé Elon Musk à la tête du "Département de l'Efficacité Gouvernementale" (DOGE), une instance temporaire dont la mission est de "démanteler la bureaucratie gouvernementale, élaguer les réglementations excessives, supprimer les dépenses superflues et restructurer les Agences fédérales". Aux côtés de Elon Musk, Donald Trump a également nommé Vivek Ramaswamy, magnat des biotechnologies et ancien candidat à la présidentielle. Elon Musk a fixé pour objectif de récupérer 1000 milliards de dollars grâce à l'action de son ministère. Sans pinailler sur la faisabilité même de cette économie, il avait même déclaré pendant la campagne électorale, qu'il pourrait sans difficulté supprimer 2000 milliards de dollars, prétendument "gaspillés" par le gouvernement, ce qui représenterait près d'un tiers du budget fédéral américain…

Les coupes budgétaires orchestrées par le DOGE touchent particulièrement certains secteurs comme l'éducation et la recherche. En février 2025, le DOGE a réduit de 900 millions de dollars les contrats de recherche de l'Institut des sciences de l'éducation (IES), un bureau fédéral qui suit les progrès des étudiants américains. En ce début de semaine, les 4100 employés du ministère de l'Éducation ont appris que près de la moitié d'entre eux allaient être prochainement virés. La NASA vient également d'annoncer qu'elle allait commencer une procédure de "réduction d'effectifs", et 23 scientifiques, dont Katherine Calvin, spécialiste du climat, ont déjà été licenciés. La liste est longue très longue comme les personnes en charge de l’épidémie de grippe aviaire qui pourtant explose aux Etats-Unis et qui cerise sur le gâteau se transmet maintenant aux bovins …

L'attaque idéologique contre la science

Au-delà des coupes budgétaires, l'administration Trump mène une offensive idéologique contre certains domaines de recherche jugés trop progressistes. Des décrets affirment l'existence de deux genres seulement (masculin et féminin) et mettent fin au soutien aux programmes de "diversité, équité, inclusion" (DEI). Les NIH et la National Science Foundation (NSF) passent au crible les projets de recherche financés en fonction de quelque 200 mots à bannir, comme "antiraciste", "diversité", "biais". Certains mots comme "LGBT", "non-binaire", "personne enceinte" ont été modifiés ou retirés des sites fédéraux, de même que des études sur le sida. La situation est particulièrement grave pour les recherches liées au changement climatique. Des projets ne toucheront plus de subventions ou seront interdits s'ils comportent les mots "changement climatique", "diversité", "activisme", "égalité", "femme", etc. Des informations climatiques ont même été effacées des sites gouvernementaux.

L'offensive contre la science américaine a des répercussions internationales, notamment au sein du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Kate Calvin, scientifique en chef de la NASA, conseillère principale en matière de climat et coprésidente du rapport du groupe de travail III du GIEC, n'a pas été autorisée à assister à la 62e séance plénière du GIEC. La NASA a mis fin à son contrat avec les scientifiques et le personnel qui avaient été désignés pour faire partie de l'unité de soutien technique du groupe de travail III du GIEC. Comme le souligne Valérie Masson-Delmotte, "Sans une unité de soutien technique compétente, il est absolument impossible de préparer et de fournir un rapport de groupe de travail du GIEC". Selon le climatologue Gerhard Krinner, "l'objectif est évidemment de paralyser le travail du GIEC".

Les conséquences

Les économies réalisées par les coupes budgétaires pourraient coûter très cher à l'économie américaine à long terme. Une récente étude de l'économiste Arnaud Dyèvre montre qu'un tiers de la baisse observée du taux de croissance de la productivité globale des facteurs aux États-Unis depuis les années 1950 s'explique par le désinvestissement de l'État dans la recherche et développement (R&D). Matt Owens, président du COGR, une association d'instituts de recherche et de centres médicaux universitaires, qualifie ces mesures de "moyen infaillible de paralyser la recherche et l'innovation". Il ajoute : "Les concurrents de l'Amérique se réjouiront de cette blessure auto-infligée", appelant le gouvernement à revenir sur cette décision "avant que les Américains n'en subissent les conséquences".

Comme rappelé dans Nature, les États-Unis ont été le leader mondial de la recherche, y compris dans le financement de l'éducation et de la formation scientifiques, pour leur plus grand bénéfice et celui du reste du monde. Cette position dominante est désormais menacée par les coupes budgétaires et les attaques idéologiques contre la science. Jeffrey Flier, ancien doyen de la faculté de médecine de Harvard, estime que ces décisions visent non pas à "améliorer le processus, mais à nuire aux institutions, aux chercheurs et à la recherche biomédicale". Elles "provoqueront le chaos et nuiront à la recherche biomédicale et aux chercheurs".

La résistance

Face à cette offensive, la communauté scientifique se mobilise. Un mouvement émergent, "Stand up for Science", organise des rassemblements dans plusieurs pays en écho à ce mouvement et face aux menaces contre les institutions scientifiques. Aux États-Unis, un procès vient d'être lancé par des agriculteurs qui font face à des réductions de financement et à une pénurie de données climatiques sur lesquelles ils s'appuyaient jusqu'ici. LA suite viendra …

Jonathan, un chercheur new-yorkais en sciences médicales spécialisé dans la maladie d'Alzheimer, résume le sentiment général : "Lors du premier mandat de Donald Trump, on devait faire du lobbying pour défendre nos intérêts, désormais, on a l'impression de devoir nous battre pour notre survie". Il ajoute : "Attaquer les scientifiques revient à remettre en question l'éducation. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le gouvernement essaie aussi d'affaiblir l'enseignement public. Un électorat non éduqué est plus facile à contrôler". Même dans le camp républicain, certaines voix s'élèvent contre les coupes les plus drastiques. Sept Républicains de l'État de New York élus à la Chambre des représentants ont envoyé un courrier à Donald Trump pour lui demander d'annuler certaines coupes "irréfléchies et contreproductives" voulues par le DOGE, notamment la réduction drastique du budget du Programme de santé du World Trade Center, créé pour indemniser les victimes des attentats du 11 septembre 2001.

L'offensive menée par l'administration Trump et orchestrée par Elon Musk contre la recherche scientifique américaine représente une menace sans précédent pour l'avenir de la science aux États-Unis et dans le monde. Au-delà des économies budgétaires à court terme, ces coupes risquent d'avoir des conséquences désastreuses sur l'innovation, la santé publique et la compétitivité économique américaine … Ou, le projet final consiste à confier la recherche à des entreprises du fait de l’inaptitude fabriquée des instituts de recherches traditionnels.

La frénésie de coupes budgétaires semble davantage motivée par des considérations idéologiques que par un véritable souci d'efficacité gouvernementale. En ciblant particulièrement les universités et les centres de recherche progressistes, en bannissant certains sujets de recherche et en réduisant la participation américaine aux initiatives scientifiques internationales, l'administration Trump sape les fondements mêmes de la recherche scientifique : la liberté académique, l'objectivité et la coopération internationale. Face à cette situation, la mobilisation de la communauté scientifique et du public est essentielle pour défendre l'intégrité de la science et protéger la recherche des interférences politiques. Comme l'a rappelé le climatologue Christophe Cassou, il est grand temps "d'arrêter la posture défensive, d'arrêter de subir les assauts des obscurantistes et de passer à l'offensive".

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La liste des mots interdits ou surveillés

Terminologie liée au climat et à l'environnement

  • Climat

  • Réchauffement climatique

  • Changements climatiques

  • Émissions de gaz à effet de serre

  • Justice environnementale

  • Pollution

Des chercheurs, comme Alessandro Rigolon de l'Université de l'Utah, ont été contraints de modifier les titres de leurs travaux pour éviter le mot « climat » et conserver leurs financements.

Terminologie liée au genre et à la sexualité

  • Femme

  • Genre

  • Transgender/Transgenre

  • Personne enceinte/Personnes enceintes

  • LGBT/LGBTQ/LGBTQIA

  • Transsexuel

  • Non-binaire

  • Sexe assigné à la naissance

  • Mâle biologique/Femelle biologique

  • Pronoms

  • Mx (pronom non-genré)

Le Centre de contrôle des maladies (CDC) a notamment demandé à ses scientifiques de mettre « sur pause » tout article de recherche contenant ces termes, y compris des recherches générales sur le cancer ou la COVID qui incluraient des données démographiques mentionnant le « genre ».

Terminologie liée à la diversité et à la justice sociale

  • Préjugé

  • Diversité

  • Équité

  • Antiracisme/Antiraciste

  • Discrimination

  • BIPOC (Black, Indigenous, and People of Color)

  • Noir

  • Race

  • Minorité/Minorités

  • Marginalisé/Marginaliser

  • Oppression/Oppressif

  • Privilège/Privilèges

  • Ségrégation

  • Racisme

Terminologie liée à la santé et aux services sociaux

  • Santé mentale

  • Égalité d'accès aux soins

  • À risque

  • Immigrant

  • Personne âgée

  • Handicapé

Terminologie académique et de recherche

  • Institutionnel

  • Historiquement

  • Accroître la diversité

  • Biais (de confirmation, implicite, inconscient)

  • Biaisé/Biaisé envers

  • Barrière

  • Accessible

  • Activisme/Activiste

  • Polarisation

  • Politique

Cette politique est appliquée via plusieurs mécanismes :

  1. Un système d'intelligence artificielle est utilisé pour détecter les mots et contenus interdits dans les projets financés par le gouvernement fédéral.

  2. Plus de 8 000 pages ont disparu des sites gouvernementaux, dont 3 000 pages du site du CDC et 3 000 du Bureau du recensement.

  3. Les scientifiques doivent modifier leurs demandes de subvention et leurs publications pour éviter ces termes, sous peine de perdre leurs financements.

  4. La National Science Foundation a « gelé » les paiements pour des subventions déjà approuvées mais non encore versées, en attendant de vérifier qu'elles ne contiennent pas de termes interdits.

Cette liste de plus de 120 mots interdits, publiée initialement par le Washington Post et élargie par le New York Times, représente probablement une partie seulement du vocabulaire désormais banni dans la recherche scientifique américaine


Bonnes métamorphoses et à la semaine prochaine.

Stéphane

Métamorphoses

Par Stéphane Amarsy

Stéphane est un entrepreneur visionnaire et un pionnier dans l'intersection de l'intelligence artificielle et de la transformation organisationnelle / sociétale. Fondateur de The Next Mind, il est guidé par une philosophie simple, mais percutante : "Mieux vaut s'occuper du changement avant qu'il ne s'occupe de vous !"

Sa trajectoire professionnelle, marquée par la création d'Inbox, devenue plus tard D-AIM en changeant complétement de business model, des levées de fonds, la fusion avec Splio, et l'élaboration du concept disruptif d'Individuation Marketing, sert de fondation solide à sa nouvelle entreprise. The Next Mind est le fruit de décennies d'expérience dans l'accompagnement de plus de 400 entreprises à travers plus de 30 pays dans leur transformation digitale / data / IA et organisationnelle.

Auteur du livre ​​"Mon Directeur Marketing sera un algorithme"​​, qui est une description de la société qu'il a projetée en 2017, auteurs de nombreuses tribunes, conférencier et intervenant dans plusieurs universités et écoles, il ne se contente pas de prêcher la transformation, il l'incarne. Chaque expérience proposée par Stéphane est inspirée entre autres par son vécu d'entrepreneur. Il pousse à affronter les réalités d'un monde en perpétuels changements. Stéphane est convaincu que la prise de conscience n'est que la première étape ; ce qui compte vraiment, c'est la capacité à agir et à s'adapter.

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